Élaïosome
- roberttimon
- 16 juin 2023
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 6 août 2023
(du grec ἔλαιον élaion- huile d’olive/huile et σόμα sóma- corps)
Ce mot, je l’ignorais encore il y a quelques jours quand, en ce début juin, j’ai découvert sur le dallage frais de la cuisine de petits grains noirs ; quelqu’un de la maisonnée avait dû renverser une cuillerée de café moulu et négliger de la ramasser… un coup de balai tout rentra dans l’ordre… seulement, le lendemain, des grains noirs étaient à nouveau là.

Un examen minutieux des balayures réfuta vite l’idée du café moulu renversé ; mêlées aux poussières de sol, il y avait là des formes ovoïdes, inanimées, mais manifestement vivantes, d’un noir profond d’apparence chagriné dont les sculptures font penser aux empreintes papillaires ou aux reliefs des élytres de certains carabes. Ces formes sont toutes de même taille, certaines avec un débris de tégument hyalin attaché. Leur consistance est dure (comme des élytres de coléoptères) et ne se laissent pas ouvrir par pression (elles glissent sous la lame comme un noyau de cerise). Je me perds en conjecture sur l’arrivée inopinée de ces « poussières ».

L’idée d’accuser les fourmis du méfait commença à s’installer, mais, d’ordinaire, les fourmis n’abandonnent pas au hasard les charges qu’elles transportent et les fourmis qui se promènent sur le seuil de la porte-fenêtre restent sagement à l’extérieur. Peut-être amoncellent-elles leur charroi le long de l’huisserie et le vent fait le reste ? C’est peu plausible (d’où viendrait le courant d’air?).
Quand aux « œufs » qui forment une grande proportion de la pincée que j’ai ramassée, une recherche d’image sut Internet renvoie à des explications peu en rapport avec mes observations œufs de tipule ou excréments larvaires de xylocopas :


Il faut chercher ailleurs. Le long du mur, quelques pieds de chélidoine se sont installés. Je les regarde avec bienveillance : lorsque, retour de piscine, une verrue commence à s’installer sur la plante de mes pieds, j’en casse une petite branche pour badigeonner l’excroissance naissante du latex orange qui suinte de la tige. Pour l’instant les chélidoines exposent piteusement les siliques de leurs hampes fleuries en fin de vie. Quelques siliques, plus tardives n’ont pas encore largué leurs semences. J’en récupère quelques unes qui, fraîchement récoltées, présentent toutes un bel élaïosome.



Plus de mystère donc, si ce n’est celui de l’évolution : les fourmis récoltent les graines pour nourrir leurs larves avec l’huile dont l’élaïosome est riche, stockent les graines maintenant inutiles avec les déchets de la fourmilière (les éléments divers ailes d’insectes, pattes, appendices divers de petits coléoptères, débris de téguments informes de petits animaux) dont elles se débarrassent la nuit au hasard de leur pérégrinations. Chélidoines et fourmis trouvent leur bénéfice à cet échange de service.
La chélidoine n’est pas la seule plante a utiliser ce mode de dispersion de ses graines :
de nombreuses espèces de centaurées, le ricin, la sanguinaire du Canada, les trilles, les violettes et les pensées, des corydalis, les dicentra (cœurs de Marie), des hellébores… ont opté pour ce mode de dispersion. Quand une idée est bonne, il ne faut pas la lâcher, tout est bon pour favoriser l’expansion de l’espèce.
RT
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