Les Incas

Pour la plupart d’entre nous, ce nom évoque un peuple d’Amérique victime d’un ethnocide dont les responsables furent, au 16e siècle, les conquistadores espagnols qui s’emparèrent de leurs fabuleux trésors d’or et d’argent, permettant à Charles Quint d’édifier le premier empire mondial ! Mais leur histoire comporte bien des énigmes qu’on essaie de résoudre grâce aux techniques modernes.

L’empire Incas, créé au 13e siècle, dura deux cents ans. Il s’étendait le long de la Côte Pacifique, du sud de la Colombie jusqu’au Chili, sur une longueur de 4 500 km et une largeur de plusieurs centaines de kilomètres. Cuzco était la capitale. Une irrigation efficace de zones aujourd’hui arides, assurait la prospérité de cet état. Le gouvernement était très structuré, hiérarchisé et bureaucratique, dans le cadre d’un abondant Panthéon mystique ! Contrairement aux Aztèques qui sacrifiaient esclaves et prisonniers, les Incas sacrifiaient, pour apaiser leurs Dieux, les plus beaux spécimens, hommes femmes et enfants, de leur peuple. C’était assez rare. La population atteignit dix millions !

Toutefois, parmi les grandes civilisations de l’histoire, c’est la seule n’ayant pas d’écriture ! Cette lacune semble invraisemblable pour gérer un vaste empire ? Comment faire les comptes ? Les transmettre ainsi que les lois et règlements ? Cette nécessité conduisit à un système encore moins évident que les hiéroglyphes égyptiens, pourtant longtemps incompris ! Ce sont les quipas ou quipous1.

Cordelettes faites de textiles différents, aux couleurs variées, munies de nœuds, elles sont suspendues à une corde horizontale. Une numération en bases dix apparaît facilement ! Il suffit, sur une corde, de prévoir trois parties distinctes successives pour centaines dizaines, unités, avec, pour chacune le nombre de nœuds nécessaire, jusqu’à 9, un zone pouvant être vide. Au-delà de 199, on emploie une autre corde pour les mille, etc. Les Incas n’ont pas eu l’exclusivité de la numération. Les Mayas comptaient en base vingt.

Mais pour l’écriture, c’est beaucoup plus difficile. Les nœuds ont en effet des tailles, positions, orientations diverses, correspondant à un sens différent. Un nœud peut ainsi, selon sa disposition, signifier : dû ou acquitté. Il y a 75 combinaisons distinctes ! Les Incas devaient former, dès leur plus jeune âge, des spécialistes pour maîtriser le système. L’intérêt pour ce problème est assez récent. Deux chercheurs anglosaxons se distinguent : Sabine Hyland, ethnographe et anthropologue, et Gary Urton qui a pendant 25 ans, étudié 900 quipous ! Il semble s’agir d’une écriture syllabique. Des progrès ont été réalisés ! A défaut d’une « Pierre de Rosette2 » deux mots, reconstitués ont trouvé un sens dans les noms de deux villes ! Mais il reste bien des mystères !

L’espoir de les percer est dans la technique. On a, par exemple, étudié les dents des squelettes à Machu Pichu, en rapport avec l’alimentation qui dépend de la région d’origine ! On a, par exemple ainsi trouvé que les différentes provinces de l’empire étaient représentées dans ce haut lieu, constituant un sanctuaire national ! Le recherche peut continuer !

HD, d’après Arte

1 Quipa, quipou ou quipu, nom masculin désignant un ensemble de cordelettes.

2 Pierre gravée d’un texte en trois langues hiéroglyphe, démotique et grecque qui permit à Champollion de comprendre les hiéroglyphes.